News Letter n°2023 - 32 du Samedi 12 Août

Rapport Durable et Normes EFRAG

Episode 20 - Diligence Raisonnable

CSRD = Corporate Sustainability Reporting Directive

= Directive sur les rapports de durabilité des entreprises


Dans le cadre de la CSRD, nous avons vu la semaine dernière la notion de double matérialité et la nécessité de préparer la matrice qui en découle.

Une autre notion est au coeur de l'outil "Rapport Durable" et sous-tend sa construction : Le Devoir de Vigilance.

Voyons cela.

NB : vous l’aurez compris, si vous êtes déjà un spécialiste de la RSE ou une grande entreprise, cet article n’est pas pour vous. Cet article est destiné aux ME (microentrepreneur effectif de moins de 10 personnes) et aux TPE/PME (effectif de moins de 250 personnes), non concernées (pour l’instant) a priori par la CSRD, sauf si donneurs d’ordres et autres parties prenantes les interrogent sur leurs propres indicateurs. Mais, cela peut servir de source d’inspiration, je l'espère ! Je vous laisse juge.


Rappelons si besoin que ces normes (communes à tous les secteurs) sont composées de 10 normes posant les pilliers E, S et G, "encadrées" par les 2 normes de base : Les réponses aux exigences des autres normes se font toujours en référence à ces 2 normes de base :

  • La norme ESRS 01 qui présente les principes généraux et
  • La norme ESRS 02 qui présente les exigences générales de publication

Le Devoir de Vigilance

  • Le Devoir de Vigilance au sein des ESRS / du Rapport Durable
  • Les Principes Directeurs des Nations Unies Relatifs aux Entreprises et aux Droits de l’Homme
  • Les Principes Directeurs de l’OCDE à l’Intention des Entreprises Multinationales.
  • La Charte Internationale des Droits de l'Homme
  • La Déclaration relative aux Principes et Droits Fondamentaux au Travail de l'Organisation Internationale du Travail

DEFINITIONS

Le chapitre 4 de la Norme ESRS 01 est entièrement consacré à la notion de "Devoir de Vigilance".


Le terme " Devoir de Vigilance " (qui traduit l'anglais "Due Diligence") est celui retenu dans la loi 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre


NB : traduire "Due Diligence" par "Diligence raisonnable" ne me parait pas très clair ni très engageant :

"Raisonnable" est une notion floue : quelles en sont les bornes ?

"Diligence" : on ne sait pas trop de quoi on parle.

Avec le mot vigilance, la notion d'attention est nettement plus forte, d'autant plus si c'est un "devoir", une obligation morale.


A noter que le 1er juin 2023, le Parlement européen a adopté la proposition de directive relative au devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité en modifiant la Directive (UE) 2019/1937. Les obligations de vigilance sont étendues à certaines PME (plus de 250 personnes).

Ce texte va plus loin que la loi française de 20017, notamment par la taille des entreprises visées.

Mais tout cela n'est que de bonne logique, en phase avec la CSRD et les Normes ESRS.


Le 2ème article du chapitre 4 de la Norme ESRS (le numéro 59) donne la définition suivante du devoir de vigilance :

Le "devoir de vigilance" est le processus par lequel les entreprises identifient, préviennent, atténuent et rendent compte de la façon dont elles abordent les impacts négatifs réels et potentiels sur l’environnement et les personnes liées à leur entreprise.

Il s’agit notamment des impacts négatifs liés aux propres activités de l’entreprise et à sa chaîne de valeur en amont et en aval, y compris par ses produits ou services, ainsi que par ses relations d’affaires.

Le "devoir de vigilance" est une pratique continue qui réagit aux changements dans la stratégie, le modèle d’affaires, les activités, les relations d’affaires, l’exploitation, l’approvisionnement et les contextes de vente de l’entreprise, et qui peut les déclencher.

Ce processus est décrit dans les instruments internationaux que sont les

> Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et dans les

> Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales.


L' article n°60 au chapitre 4 de la Norme ESRS ajoute :

"Lorsque l’entreprise ne peut pas traiter tous les impacts en même temps, le processus de diligence raisonnable permet de hiérarchiser les actions en fonction de la gravité et de la probabilité des impacts".

"C’est cet aspect du processus de devoir de vigilance qui oriente l’évaluation des impacts importants",

comme nous l'avons vu la semaine dernière en détaillant "la double matérialité".

https://www.rsepourtous.fr/csrd19


Les principaux éléments du devoir de vigilance, directement reportés dans le rapport durable en rapport avec les différents ESRS idoines, sont les suivants :

  • Intégrer le devoir de vigilance dans la gouvernance, la stratégie et le modèle d’activité
  • Collaborer avec les parties prenantes concernées
  • Déterminer et évaluer les impacts négatifs sur les personnes et l’environnement
  • Prendre des mesures pour atténuer les effets négatifs sur les personnes et l’environnement
  • Suivre l’efficacité de ces efforts


Il est donc nécessaire de s'imprégner de ces 2 textes fondamentaux

> Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme

> Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales.


Les Principes Directeurs des Nations Unies Relatifs aux Entreprises et aux Droits de l’Homme

Le texte (50 pages) porte un sous-titre : "mise en oeuvre du cadre de référence "protéger, respecter et réparer" des Nations Unies. Il a été approuvé par le Conseil des droits de l'Homme le 16 Juin 2011.

Il se compose de 3 parties :

  • Obligation de protéger les droits de l'Homme incombant à l'état
  • Responsabilité incombant aux entreprises de respecter les Droits de l'Homme
  • Accès à des voies de recours


La notion de "Responsabilité incombant aux entreprises de respecter les Droits de l'Homme" est détaillée en 5 Principes fondateurs et 9 Principes opérationnels :

  • Les entreprises devraient respecter les Droits de l'Homme
  • Elle doit aussi remédier aux incidences négatives sur les Droits de l'Homme et prendre les mesures adaptées de prévention, d'atténuation des effets et de réparation
  • Ce respect des Droits de l'Homme porte sur les Droits de l'Homme internationalement reconnus, et au minimum sur :
  • La Charte Internationale des Droits de l'Homme
  • La Déclaration relative aux Principes et Droits Fondamentaux au Travail de l'Organisation Internationale du Travail
  • mais aussi aller plus loin selon les circonstances :

* les droits des peuples autochtones,

* les droits des femmes,

* les droits des minorités nationales ou ethniques, religieuse et linguistiques

* les droits des enfants

* les droits des personnes handicapées

* les droits des travailleurs migrants et de leur famille

* les normes du droit humanitaire international dans le cas des situations de conflit armé.

  • Respecter les Droits de l'Homme implique :
  • d'éviter d'avoir des incidences négatives sur les droits de l'homme ou d'y contribuer par ses propres activités et d'y remédier lorsqu'elles se produisent
  • de s'efforcer de prévenir ou d'atténuer les incidences négatives sur les droits de l'homme qui sont directement liés à ses activités produits ou services par ses relations commerciales même si l'entreprise n'a pas contribué à ses incidences.
  • La responsabilité de respecter les Droits de l'Homme incombe à toutes les entreprises.
  • Pour s'aquitter de cette responsabilité de respecter les Droits de l'Homme, les entreprises doivent avoir mis en place politiques et procédures
  • Engagement politique
  • Devoir de vigilance (identifier, prévenir, atténuer, rendre compte)
  • Remédiation aux incidences négatives

Ces politiques et procédures sont le moyen qu'a l'entreprise de démontrer qu'elle connaît et respecte les Droits de l'Homme.

Les 9 principes opérationnels approfondissent ce point.

  • Déclaration de Principe (engagement politique)
  • Devoir de Vigilance (évaluation en permanence des incidences effectives et potentielles, mesures de remédiation, publier les informations liées)
  • Identification des impacts négatifs effectifs ou potentiels du fait de sa propre activité ou du fait de ses relations commerciales
  • Tenir compte des résultats de leurs études d'impacts pour toutes les fonctions et processus internes et prendre les mesures adéquates
  • Contrôler l'efficacité des mesures prises
  • Communiquer l'information en externe. Pour les risques d'impacts graves sur des Droits de l'Homme l'entreprise communique la manière dont elle y fait face
  • Prévoir les mesure de réparation ou collaborer à leur mise en oeuvre
  • Se conformer aux lois et respecter les Droits de l'Homme
  • Prioriser la prévention et l'atténuation des impacts les plus graves

Les Principes Directeurs de l’OCDE à l’Intention des Entreprises Multinationales sur la Conduite Responsable des Entreprises

Le texte (90 pages) a été créé en 1976 et la mise à jour de 2023 porte sur les aspects suivants :


  • Recommandations adressées aux entreprises afin qu'elles s'alignent sur les objectifs convenus à l'échelle internationale dans le domaine du changement climatique et de la biodiversité
  • inclusion d'attente en matière de devoir de vigilance concernant le développement, le financement, la vente, la concession, l'échange et l'utilisation des technologies, y compris la collecte et l'exploitation de données
  • des recommandations sur la façon dont les entreprises devraient exercer le devoir de vigilance au regard de leurs impacts et de leurs relations d'affaires lié à l'utilisation de leurs produits et services
  • la meilleure protection des personnes et des groupes à risque y compris ceux qui signalent des préoccupations concernant la conduite des entreprises
  • la mise à jour de recommandations relatives à la communication d'informations sur la conduite responsable des entreprises
  • la généralisation des recommandations en matière de devoir de diligence à toutes les formes de corruption
  • la recommandation adressée aux entreprises afin de faire en sorte que les activités de lobbying respectent les principes directeurs les procédures renforcées pour garantir la visibilité, l'efficacité, et l'équivalence fonctionnelle des points de contact nationaux pour la conduite responsable des entreprises

Le texte est organisé en 2 parties :

  • 1. Les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales sur la conduite responsable des entreprises
  • 2. Les procédures de mise en œuvre des principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales sur la conduite responsable des entreprises

Ces 2 parties sont précédées de la déclaration sur l'investissement international et les entreprises multinationales qui rappelle, entre autres, les obligations de respecter les droits humains, notamment la formation, les principes de bonne gouvernance, de dtoit d'information des travailleurs, le devoir de vigilance, de remédier aux impacts négatifs, d'engagement auprès des parties prenantes.


Notons, dans les commentaires qui suivent cet énoncé, qu’il est spécifié qu'il ne devrait pas y avoir de contradiction entre les activités des entreprises multinationales et le développement durable. C'est précisément cette complémentarité que les principes directeurs entendent favoriser.

De fait, il est fondamental que des liens existent entre le progrès économique, social et environnemental pour conforter l'objectif du développement durable.


Les principes directeurs sont détaillés selon les thèmes suivants :

  • Droits humains
  • Emplois et relations professionnelles
  • Environnement
  • Lutte contre la corruption sous toutes ses formes
  • Intérêts des consommateurs
  • Science, technologie et innovation
  • Concurrence
  • Fiscalité

Tous points que l'on retrouve dans la Norme ISO 26000 et dans les différentes Normes ESRS.

Vous retrouverez l'intégralité du texte ici :

https://www.oecd.org/fr/daf/inv/mne/

La Charte Internationale des Droits de l'Homme

La Charte internationale des droits de l’homme est composée de 3 textes

  • La Déclaration Universelle des Droits de l'homme (DUDH) - 1948
  • Le Pacte international relatif aux Droits Economiques, sociaux et culturels -1966
  • le Pacte international relatif aux Droits Civils et Politiques - 1966


Les Pactes identifient les responsabilités qui incombent aux états pour respecter, protéger et réaliser ces droits. Ils sous-tendent les 2 textes précédents.


Vous retrouverez l'intégralité du texte ici :

https://www.ohchr.org/fr/universal-declaration-of-human-rights

La Déclaration relative aux Principes et Droits Fondamentaux au Travail de l'Organisation Internationale du Travail

Le texte (court - 18 pages) a été adopté en 1998 et revue en 2022. Au coeur du texte figure l'engagement suivant :

"Les membres signataires ont l’obligation, du seul fait de leur appartenance à l’Organisation (Internationale du Travail), de respecter, promouvoir et réaliser, de bonne foi et conformément à la Constitution (de l'OIT), les principes concernant les droits fondamentaux, à savoir :

  • a) la liberté d’association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective
  • b) l’élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire
  • c) l’abolition effective du travail des enfants
  • d) l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession
  • e) un milieu de travail sûr et salubre

Ces principes et droits ont été exprimés et développés sous forme de droits et d’obligations spécifiques dans des conventions reconnues comme fondamentales, tant à l’intérieur qu’à

l’extérieur de l’Organisation.


Vous retrouverez l'intégralité du texte ici :

https://www.ilo.org/declaration/lang--fr/index.htm


Tous ces textes soustendent donc la CSRD et les Normes ESRS (on y retrouve une cohérence totale (heureusement) entre les termes employés, les objectifs et leurs déclinaisons.

à suivre ...

Cette analyse peut être lourde et complexe et demande organisation et rigueur mais est en même temps une opportunité formidable si elle n'a pas déjà été menée dans l'entreprise.


La matrice de matérialité est réalisée et ainsi les priorités comprises et définies, comment alors organiser le Rapport Durable ?

C'est ce que nous verrons la semaine prochaine.


à bientôt dans un prochain post : pour en savoir plus, continuer à se former, échanger les bonnes pratiques et changer nos habitudes.


Transition écologique signifie avant tout Transformation des modes de vie.


Bonne semaine !


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