News Letter n°2023 - 43 du Samedi 28 Octobre

Rapport Durable : La CSRD est-elle un défi ?

CSRD = Corporate Sustainability Reporting Directive

= Directive sur les rapports de durabilité des entreprises


L'EFRAG a publié, ce 25 octobre 2023, la liste des 1 178 points de données à prendre en compte : à quelques mois de l'échéance, il est peut-être temps de s'y mettre ! La CSRD est-elle un Défi ?

NB : vous l’aurez compris, si vous êtes déjà un spécialiste de la RSE ou une grande entreprise, cet article n’est pas pour vous. Cet article est destiné aux ME (microentrepreneur effectif de moins de 10 personnes) et aux TPE/PME (effectif de moins de 250 personnes), non concernées (pour l’instant) a priori par la CSRD, sauf si donneurs d’ordres et autres parties prenantes les interrogent sur leurs propres indicateurs. Mais, cela peut servir de source d’inspiration, je l'espère ! Je vous laisse juge.


Voyons cela :

  • Un défi : qu'est ce que c'est ?
  • CSRD, ESRS : c'est quand ?
  • Le Bilan annuel du reporting ESG des grandes entreprises françaises
  • L'autre défi : la gouvernance

Un défi

Quelle est la signification du mot DEFI ?

  • Le dictionnaire Le Robert nous dit que le fait de "défier" est un invitation au combat, c'est le fait de provoquer quelqu'un en le déclarant incapable de faire quelque chose, que le DEFI est un obstacle qu'une civilisation, un groupe, une personne doit surmonter.
  • Le dictionnaire Le Larousse nous parle de "l'action de provoquer quelqu'un en combat singulier, à une compétition", de l'état d'un groupe qui, dans une situation de concurrence, oblige les autres à atteindre au moins le même niveau que lui".
  • Un synonyme du mot DEFI est le mot CHALLENGE (anglicisme) qui au figuré désigne une "situation où la difficulté stimule"
  • J'aime bien aussi le mot "gageure" qui en vieux français signifie "pari (assorti de gages)" et aussi désigne "une action, un projet, une opinion qui semble relever d'un défi, d'un pari". (La Robert)
  • L'éthymologie du mot "défier" est intéressante au regard du sujet qui nous préoccupe : dé-fier, dé-fiance : démentir la foi de quelqu'un, provoquer, n'avoir pas foi ou confiance.

"En philosophie, il faut se défier de ce qu'on croit entendre trop aisément, aussi bien des choses qu'on n'entend pas." Voltaire — Lettres philosophiques

La CSRD, ce n'est pas uniquement se mettre en conformité avec la loi, aligner des chiffres ou des "métriques", ou émettre un catalogue de voeux pieux.


Il y a bien pour l'entreprise à réfléchir à ce quelle fait (sa raison d'être, peut-être ?), à comment elle le fait et aux impacts de ses politiques et de ses actions.

Il y aura sûrement à penser autrement, à challenger ses équipes mais aussi toute sa chaîne de valeur, y compris les consommateurs/clients.

Attention alors, aux biais cognitifs, le nouveau truc à la mode mais à juste raison.

CSRD, ESRS : c'est pour quand ?

Le texte de la CSRD [= Corporate Sustainability Reporting Directive = Directive sur les rapports de durabilité des entreprises] a donc été adopté et publié le 14 Décembre 2022.

Les Normes ESRS, qui détaillent les exigences attendues tant au fonds que dans la forme, ont été publiées le 31 juillet 2023 (mais des normes provisoires étaient acessibles depuis Novembre 2022).

La transposition dans la loi française interviendra avant la fin de cette année 2023.

Les premiers rapport durables seront présentés début 2025 sur la base des comptes 2024 pour les entreprises qui présente déjà une "Déclaration de Performance Extra-Financière" puis viendra l'année suivante le tour des entreprises de plus de 250 salariés (présentation du rapport durable en 2026 sur les comptes 2025).

Pour publier en 2026, il reste grosso-modo 24 mois pour réaliser : c'est tout juste.

  • S'informer et se former sur les attendus (très intéressant une fois qu'on est dedans mais pas si simple (un vrai jeu de piste !)
  • Travailler la chaîne de valeur : ses sous-traitants, quelque fois de niveau 2 et 3, qu'il va falloir embarquer, ses partenaires commerciaux
  • Préparer sa matrice de matérialité, clef de voûte du système : compter 6 à 9 mois de travail selon la taille, les activités et la complexité de la structure, et ensuite continuer à la faire évoluer au fur et à mesure de l'évolution des activités et de la culture
  • Embarquer les équipes
  • Rendre les Organes d'administration, de Direction et de Surveillance actifs sur le sujet
  • Engager l'entreprise dans la transformation pas à pas et dans la cohérence


Pour ceux qui publieront dès 2025, il reste quelque mois pour se mettre en ordre de marche : et la CSRD n'est pas une transposition élargie de la DPEF : un travail de fond est nécessaire.

Le Bilan annuel du reporting ESG des grandes entreprises françaises

publié en octobre 2023 (exercice 2022) et élaboré conjointement par Deloitte., EY et le Medef


Le Rapport "CSRD : Quels défis pour les entreprises françaises ?" publié ce mois-ci présente l'analyse des DPEF de 100 entreprises françaises réparties sur une quinzaine de secteurs mais vu sous l'angle de la CSRD.

L'analyse porte sur les 5 Normes "environnement" et sur la Norme Sociale S1. Il vient :

  • Les chaînes de valeur ne sont pratiquement pas impliquées
  • A noter sur les 100 entreprises, 14 publient des analyses sur une base de "double matérialité", 17 sans analyse de matérialité du tout.
  • Les autres informations, sur ce qui est fait, sont très intéressantes et je vous laisse les lire dans le bilan. Ce qu'on peut dire, c'est que cela reflète bien les "insuffisances de la DPEF" : informations disparates, non comparables et incomplètes, notamment, ce que va tenter de corriger la CSRD.


Ce qui est surtout intéressant dans ce bilan, c'est la présentation des challenges ou défis qui vont devoir être surmontés. Je les reprends ici :

  • La double matérialité, bien sûr, avec la méthodologie appropriée : implication des parties prenantes, dialogue, intégration des notions liées au devoir de vigilance, exhaustivité de l'approche, faire vivre l'outil qui est tout sauf statique !
  • Pour la question climat (ESRS E1) : La quantification des impacts financiers "des risques physiques et de transition climatique", les risques de transition qui doivent être développés
  • Pour la question de la pollution (ESRS E2) : Le croisement des enjeux avec les résultats de l’analyse de matérialité, les enjeux sectoriels et la sensibilité locale (communautés affectées (ESRS S3). Moins de 10 entreprises ont définis des objectifs sur la pollution de l'air (10 entreprises), de l’eau (6), des sols (4) et des substances (5 entreprises) - tout est à faire ou presque sur cette question majeure car elle touche directement la santé du vivant (de tout ce qui est vivant).
  • Pour la question de l'eau (ESRS E3) : elle est très sous estimée, seulement 31 entreprises ont publié des objectifs de réduction de consommation d’eau. et la question de la consommation n'est pas la seule. L'intégration de cet enjeu est un très gros défi.
  • Pour la question de la biodiversité (ESRS E4) : l'intégration de nouveaux référentiels comme le TNFD et le SBTN, la notion d'implantation locale et de territoire, l'intégration de ces mêmes questions dans la chaîne des sous traitants et des partenaires commerciaux
  • TNFD : Taskforce on Nature-related Financial Disclosures (https://tnfd.global/) . Le Groupe de travail sur les publications financières liées à la nature (GTTND) a élaboré un ensemble de recommandations à l’intention des organisations pour qu’elles rendent compte de l’évolution des dépendances, des répercussions, des risques et des opportunités liés à la nature et y donnent suite. Les recommandations de la TNFD ont été conçues pour être cohérentes avec la base de référence mondiale pour les rapports d’entreprise sur la durabilité et pour être alignées sur les objectifs stratégiques mondiaux de la Kunming-Cadre mondial de la biodiversité de Montréal (COP15 2023).
  • SBTN : https://sciencebasedtargetsnetwork.org - Le réseau Science Based Targets est une composante clé de la Global Commons Alliance, un réseau d’organisations travaillant ensemble pour transformer positivement les systèmes économiques mondiaux et protéger les biens communs mondiaux. Les SBT présentent aux entreprises et aux villes des lignes directrices vers la compétitivité et la résilience en utilisant la science pour définir leur rôle dans la restauration de la nature et donc réduire leurs impacts sur la perte de biodiversité.
  • Pour la question des ressources (ESRS E5) : l'intégration des enjeux liés au secteur d'activité de l'entreprise et la question de l'économie circulaire (seulement 30 entreprises sur les 100 s'engagent sur la circularité des produits et le packaging et 7 ont publié des objectifs sur la réduction d’utilisation de matières premières vierges)
  • Pour les questions sociales (ESRS S1) : la prise en compte de nouveaux indicateurs et sur un périmètre plus large.
  • Pour les questions sociales liées à la chaîne de valeur (travailleurs des fournisseurs, sous traitants, et autres partenaires commerciaux) (ESRS S2) : tout est à faire et l'entreprise mère ou donneur d'odre devra envisager d'aider ses sous-traitants à identifier leurs propres chaînes de valeur, sous-traitants qui disposent sûrement de beaucoup moins de moyens en temps, argent, ou compétences qu'elle même.
  • Pour les questions liées aux communautés affectées (ESRS S3) ou aux consommateurs et utilisateurs finaux (ESRS S4) : tout est à faire, et on ne parlera pas de la remise en cause éventuelle des produits de l'entreprise
  • Enfin Pour la question de la conduite des affaires (ESRS G1) : il n'en est pas fait mention, donc tout est à faire.

A noter que la question du devoir de vigilance n'est pas abordée non plus et que les entreprises, aujourd'hui, ne répondent pas bien à leur obligation de mise en place d'un plan de vigilance ( LOI n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre).


Or cette obligation de vigilance est à prendre en compte dans la construction de la matrice de double matérialité (section 4 - ESRS 1).

On n'oubliera pas que la loi européenne sur le devoir de vigilance (directive toujours au stade de la proposition) va obliger les entreprises à opérer de manière équitable et durable dans le respect des droits humains sur toute leur chaîne d’approvisionnement

Autant de nouveaux réflexes culturels à intégrer.

Passer de la DPEF au Rapport Durable encadré par la CSRD et les ESRS est donc un vrai défi, en temps, en compétence, en ouverture d'esprit, en organisation même si de nombreux outils existent déjà, en ouverture au dialogue !

Un autre défi : la Gouvernance

Dans l'édito "Bilan annuel du reporting ESG des grandes entreprises françaises", signé Patrick Martin, président du Medef, il est écrit :

"les nouveaux standards européens de durabilité représentent, pour ces entreprises rompues à l’exercice du rapport ESG, des challenges en termes d’organisation interne, d’outils et d’indicateurs à mettre en place et de compétences à solliciter qui sont loin d’être anodins et que ce rapport a essayé de souligner"

Cela est juste, on vient de le voir mais il y a un autre grand défi, qui ne pourra pas être oublié, puisque l'entreprise devra en rendre compte, c'est l'implication de la gouvernance :

  • GOV1 : du rôle des organes d’administration, de direction et de surveillance (OADS), mode de supervision, structure de gouvernance, description du niveau d'expertise et des compétences des OADS sur les questions de durabilité
  • GOV2 : du mode de transmission des informations aux OADS de l’entreprise et des questions de durabilité traitées par ces organes : "l’entreprise peut publier des informations sur la manière dont les organes de gouvernance garantissent l’existence d’un mécanisme approprié de suivi des résultats." (ESRS2 - Annexe AR6)
  • GOV 3 : de l'ntégration des résultats en matière de durabilité dans les systèmes d’incitation
  • GOV 4 : de la déclaration sur la diligence raisonnable (= devoir de vigilance)
  • GOV 5 : de la gestion des risques et contrôles internes de l’information en matière de durabilité


Le niveau d'implication demandé aux OADS n'est donc pas fort mais essentiel et il doit en être rendu compte.


En fait, le grand défi de la CSRD, c'est le changement, la transformation :

  • organisation différente
  • rapport humain différent
  • comptabilité et comptes rendus différents
  • service et produits différents [avec politiques, actions, objectifs et indicateurs en adéquation]
  • environnement différent
  • nature différente
  • rapport au vivant différent
  • ....

C'est à cela que sert la CSRD : mesurer la transformation pour bien l'accompagner. C'est l'outil du challenge et du défi : il y a tout là dedans :

S comme spécifique, les informations présentées ont des caratéristiques précises [détaillées dans l'ESRS1, section 2 et dans annexe B (pertinence et représentation fidèle, comparabilité, vérifiabilité et compréhensibilité)]

M comme mesurable : les objectifs sont accompagnés de métriques, d'indicateurs

A comme ambitieux : pas de demi mesure et il faut du courage pour avancer (les sanctions seront définies au niveau de chacun des pays membre). La CSRD est un outil prospectif.

R comme réaliste : l'entreprise indique ce quelle est en mesure de faire et comment elle embarque son écosystème

T comme temporel : le projet et ses réalisations sont posés avec des horizons temporels (ESRS 1 - section 6)

E comme écrit : le projet de l'entreprise est écrit, posé, accessible. (CSRD, Article 1, § 9, format d'information page 40)

R comme résilience : l'entreprise "publie des informations sur la résilience de sa stratégie et de son modèle économique en ce qui concerne sa capacité à faire face aux incidences et aux risques importants et à saisir les opportunités importantes". (ESRS 2 - SBM-3 art 48-f)

à suivre ...

L'idée à terme, au delà même des questions de changements climatiques ou autres ODD, est bien que la responsabilité (et nous avons déjà vu le sens profond de ce mot : répondre du poids de choses, répondre de ses impacts) soit complètement intégrée dans chacun de nos gestes, de nos métiers, de nos actions ; pour que personne n'agisse plus autrement qu'en mode responsable que ce soit au plan social, sociétal, économique ou environnemental.

Alors oui, il y a défi mais il est dans la Transformation de l'Entreprise et la CSRD est un formidable support.

Un vrai défi, de foi et de confiance ! à l'ouvrage !


à bientôt dans un prochain post : pour en savoir plus, continuer à se former, échanger les bonnes pratiques et changer nos habitudes.


Transition écologique signifie avant tout Transformation des modes de vie.


Bonne semaine !


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