Newsletter n°2025 - semaine 43 du samedi 26 Octobre

Un DAF présente la question du rapport de durabilité

au dirigeant ou au CODIR d'une PME.

Jeu de rôle : Vous êtes le DAF d'une PME et vous avez décidé de proposer à la direction de l'entreprise un résumé dynamique de cette question du rapport de durabilité et au-delà de la mise en action d'une démarche de durabilité dans l'entreprise : Comment ou avec quels mots résumer ce qui s'est passé ces derniers mois et ces dernières années.

Ou bien

Vous êtes le dirigeant d'une PME et vous voudriez bien faire le point sur cette question de durabilité. Vous demandez à votre DAF de vous présenter un résumé de ce qu'il s'est passé.

NB : vous l’aurez compris, si vous êtes déjà un spécialiste de la RSE ou une grande entreprise, cet article n’est pas pour vous. Cet article est destiné aux ME (microentrepreneur effectif de moins de 10 personnes) et aux TPE/PME (effectif de moins de 250 personnes), concernées par la VSME (Norme Volontaire de rapport durable pour les TPE et PME).

Mais, cela peut servir de source d’inspiration, je l'espère ! Je vous laisse juge.

Voyons :

  • 1. Le contexte général : du développement durable à la gouvernance européenne

  • 2. Une mutation structurelle du rôle de l’entreprise

  • 3. La double matérialité : pivot de transformation

  • 4. Les normes ESRS et l'architecture du reporting européen

  • 5. Les PME et la norme VSME : proportionnalité et diffusion

  • 6. Les premiers enseignements de la vague 1 (rapports 2025)

  • 7. La gouvernance de la donnée et rôle accru de la finance

  • 8. Contrôle, audit et fiabilité

  • 9. La transformation de la gouvernance d’entreprise

  • 10. Les enjeux politiques récents : Le « paquet Omnibus »  et  le  pacte de compétitivité

  • 11. La position française : la simplification responsable

  • 12. La CSRD : levier de résilience et de croissance responsable

  • 13. La comptabilité intégrée : l’horizon de la durabilité

  • 14. Points de vigilance et recommandations

  • 15. Vers une économie et une entreprise régénérative

Le DAF a utilisé l'analyse du Haut-commissariat à la stratégie et au plan (ex France-Stratégie) publié en Septembre 2025 pour préparer son exposé. https://www.strategie-plan.gouv.fr/publications/rse-entreprise-responsable-le-deploiement-du-reporting-de-durabilite-un-des-vecteurs

1. Le contexte général : du développement durable à la gouvernance européenne

Le reporting de durabilité s’impose désormais comme un socle stratégique de gouvernance et un instrument de pilotage économique et sociétal. Né de la convergence entre conscience écologique, responsabilité d’entreprise et régulation européenne, il traduit la transformation structurelle du capitalisme européen vers une performance globale intégrant les capitaux financier, humain, naturel et social.

Les crises successives — financières, sanitaires, écologiques — ont révélé la vulnérabilité des entreprises et accéléré leur transition vers des modèles responsables.

Le cadre européen, formé par la CSRD, la CS3D et la taxonomie verte, structure aujourd’hui la mise en œuvre d’une durabilité mesurable, comparable et vérifiable.

La France se comporte en leader sur le plan législatif sur ces sujets :

  • LoiNRE(2001): première obligation de reporting extra-financier.

  • LoiGrenelleII(2012) et Transition énergétique(2015): intégration des critèresESG.

  • LoiDevoir de vigilance(2017): prévention des atteintes aux droits humains.

  • LoiPacte(2019): introduction de la raisond’être et du statut de société à mission.

La CSRD (décembre 2022) marque un tournant : elle impose un reporting fondé sur la double matérialité –c'est à dire, le fait, pour l'entreprise, de repérer ses impacts sur son environnement et les effets de ces risques sur sa performance économique, puis, de déterminer les thèmes prioritaires pour prévenir, atténuer et remédier à ces impacts réels et potentiels et en conséquence, gérer les risques financiers liés ou saisir les opportunités.

L’application a débuté avec les publications en 2025, basées sur les comptes 2025, pour les grandes entreprises (qui publiaient auparavant des déclarations dites extra-financières) et s’étendra progressivement aux PME.

2. Une mutation structurelle du rôle de l’entreprise

Le reporting de durabilité ne se limite plus à la conformité réglementaire : il redéfinit le rôle même de l’entreprise. Celle‑ci devient un acteur systémique dont la mission inclut la contribution à la société et la préservation des écosystèmes.

Sept leviers structurants guident ce changement :

  • 1. Une vision et stratégie de direction fondées sur le long terme.

  • 2. La mobilisation et la formation des salariés.

  • 3. La gouvernance participative intégrant les parties prenantes.

  • 4 Le dialogue social autour des emplois et compétences.

  • 5. L'innovation technologique et organisationnelle.

  • 6. L'ancrage territorial pour une économie circulaire locale.

  • 7. Le reporting de durabilité comme boussole stratégique.

Ces piliers traduisent le passage d’un management du résultat à un pilotage de la valeur durable.

3. La double matérialité: pivot de transformation

Consacrée par l’article 29b de la CSRD, la double matérialité impose une analyse croisée :

  • La matérialité (ce qui est tangible, significatif) d’impact : effets positifs et négatifs ESG (environnementaux, sociaux, de gouvernance) de l'entreprise

  • La matérialité financière : conséquences financières et économiques des risques et opportunités ESG

Cet exercice, réalisé en concertation avec les parties prenantes, devient l’outil décisionnel central. Il alimente la révision des modèles économiques, des chaînes de valeur et des politiques d’approvisionnement.

Les premières entreprises (Saint‑Gobain, Vinci, Sanofi…) montrent que cette approche catalyse innovation, gouvernance ouverte et dialogue multi‑acteurs.

4. Les normesESRS et l'architecture du reporting européen

Les 12 normes ESRS, élaborées par l’EFRAG (*), constituent la grammaire commune de la durabilité :

  • ESRS 1‑2 : cadre général et méthodologie.

  • ESRS E1‑E5 : normes thématiques environnementales,

    ESRS S1‑S4 : normes thématiques sociales

  • ESRS G1 : normes thématiques de gouvernance (éthique, corruption, achats responsables ...)

Chaque entreprise détermine les indicateurs pertinents à partir de sa matrice de matérialité.

LesESRS introduisent une exigence dinteropérabilité avec l’ISSB (normes internationales), mais conservent la spécificité européenne de la double matérialité.

Les 1184indicateurs (pour la version du 31 juillet 2023) recensés sont en majorité qualitatifs: le reporting devient un outil dexplication stratégique, non un simple inventaire de données.

Le remaniement attendu a prévu de diviser par 2 ces points d'informations.

(*) Le Groupe consultatif européen sur l'information financière (European Financial Reporting Advisory Group ou « EFRAG ») est une association à but non lucratif. Créé en 2001 avec le soutien de la commission Européenne à laquelle il fournit des conseils techniques dans le domaine de la durabilité, l'EFRAG poursuit aujourd’hui deux missions principales :

  • Une mission financière consistant à influencer le développement des normes IFRS à l’échelle européenne, et évaluer leur efficacité dans le cadre du marché de capitaux

  • Une mission de reporting en matière de développement durable.

5. LesPME et la normeVSME: proportionnalité et diffusion

Les TPE et PME, 99,8 % du tissu productif français, sont progressivement intégrées dans ces stratégies vers la durabilité, via deux normes :

  • LSME : pour les TPE/ PME cotées, le rapport de durabilité est obligatoire (toujours attendue en cette fin octobre 2025).

  • VSME : pour les TPE/PME non cotées, la rapport de durabilité est volontaire et proportionné au moyen de ces plus petites entreprises.

La normeVSME (décembre 2024) comprend:

  • un module de base (2 groupes d'informations de base et 9 groupes d'indicateurs: énergie, emploi, gouvernance)

  • un module complémentaire ((2 groupes d'informations de base et 7 groupes d' indicateurs : énergie, emploi, gouvernance…).

La Commission européenne en recommande l’usage à toutes les structures non cotées.

Les fédérations professionnelles (FFB, FEP, Coopératives agricoles…) accompagnent activement les entreprises via guides sectoriels et mutualisation d’outils.

Cette dynamique collective transforme les informations de durabilité en levier de compétitivité.

6. Les premiers enseignements de la vague 1 (rapports publiés en 2025)

Les premiers rapports publiés en 2025 témoignent d’une appropriation rapide du cadre, malgré des lacunes techniques.

Profil général des publication de la vagues 1 :

  • Taille moyenne des rapports: 115pages.

  • 98%des entreprises ont consulté leurs parties prenantes.

  • Secteurs les plus avancés: construction, énergie, agroalimentaire

Constats principaux :

  • 84 % publient un plan climat aligné SBTi  (Sciences Based Targets - https://sciencebasedtargets.org/)

  • 77 % décrivent leur chaîne de valeur 

  • 50 % déclarent moins de 1 % d’activités alignées sur la taxonomie (*) verte 

  • 44 % considèrent la biodiversité comme enjeu matériel 

  • 88 % traitent l’économie circulaire 

  • 96 % des rapports présentent des observations d’audit (qualité, périmètre, cohérence).

Ces chiffres révèlent une montée en puissance remarquable de la transparence, malgré des défis persistants : qualité des données, scope 3 des émissions de gaz à effet de serre, comparabilité intersectorielle.

(*) La Taxonomie est un classement/une liste / une organisation des activités économiques. Le règlement "Taxonomie" indique les critères que doit remplir une activité économique pour être considérée comme verte.

Le règlement taxonomie demande à l'entreprise de présenter 3 indicateurs en indiquant dans quelle mesure (en %) elle remplit les critères attendu en terme de :

  • Chiffre d'affaires

  • Dépenses

  • Investissements

7. La gouvernance de la donnée et rôle accru de la finance

La CSRD institue une gouvernance nouvelle de la donnée : Les directions financières assument désormais :

  • la supervision de la collecte et consolidation des données ESG 

  • l’intégration des risques et opportunités de durabilité dans la planification budgétaire 

  • le dialogue avec les investisseurs sur la performance durable.

Cette évolution fait du DAF un directeur de la valeur globale, assurant la cohérence entre performance financière et extra‑financière.
En parallèle, le DRH devient garant de la transition juste :

  • nouvelles compétences, 

  • inclusion, 

  • bien‑être, 

  • réduction des risques sociaux.

8. Contrôle, audit etfiabilité

Pour la première fois, la CSRD impose un audit obligatoire des informations de durabilité.
Les auditeurs – commissaires aux comptes ou organismes tiers indépendants – sont supervisés par  la  Haute  Autorité de l’Audit (H2A). Plus de 2 700 auditeurs de durabilité ont été formés en France en 2025.

La certification actuelle repose sur une assurance limitée. Une  assurance  raisonnable est prévue lorsque l'expérience cumulée le permettra.
Les vérifications portent sur : 

  • 1. la conformité aux ESRS et à la traçabilité des sources de données.

  • 2. la conformité à la double matérialité 

  • 3. la cohérence avec la taxonomie verte 

  • 4. la vérification du balisage électronique.

9. La transformation de la gouvernancedentreprise

La CSRD fait évoluer la gouvernance traditionnelle vers une gouvernance responsable reliant  performance  financière et extra‑financière.Les conseils d’administration doivent désormais évaluer les décisions au prisme de leurs impacts ESG (Environnement / Social / Gouvernance).

Trois évolutions majeures :

  • intégration des critères ESG dans la rémunération des dirigeants 

  • implication accrue des administrateurs salariés et formation aux enjeux de durabilité 

  • développement du statut de société à mission, outil de pilotage stratégique et symbolique.

La gouvernance devient partagée et inclusive,  ouverte  aux  parties  prenantes externes et fondée sur  la  redevabilité. Elle favorise une prise de décision collective et de long  terme,  portée  par  des  administrateurs  aux compétences diverses (finance verte, écologie, sciences sociales).

Enfin, l’essor de la comptabilité intégrée relie désormais capitaux financier, naturel, humain et intellectuel dans une même vision de valeur globale.

10. Les enjeux politiques récents : Le « paquet Omnibus »  et  le  pacte de compétitivité

Le débat européen de 2024‑2025 marque un tournant politique.
Le paquet Omnibus, issu de la Déclaration de Budapest (2024), vise à simplifier le cadre de la CSRD :

  • reports de calendrier, 

  • relèvement des seuils (> 1 000 salariés), 

  • réduction des points de données et 

  • abandon des normes sectorielles.

Cetteréformeréduiraitlepérimètredeladirectivede80%.

Lesinstitutions(BCE,PlateformeRSE)alertentsurlerisquedefragmentationetdedérégulation.

Lesentrepriseselles‑mêmes,majoritairementdéfavorables à cetallègement,soulignentlintérêtduncadre

structurantpourlaconfiancedesinvestisseurs.

Letexterappellequeladurabilité nedoitpas êtreréduite à ladécarbonationseule:lesenjeuxdebiodiversité,

depollutionetdedroitshumainsdoiventrestercentrésdanslastratégieeuropéenne.

11. Lapositionfrançaise: la simplificationresponsable

La France préconise un rééquilibrage entre ambition et praticabilité : 

  • moratoire réglementaire sur les exigences jugées trop lourdes ;

  • réforme DDADUE (2025) supprimant les sanctions disproportionnées.

Le gouvernement maintient cependant le principe fondamental du reporting comme moteur de compétitivité durable.
La Commission Draghi (2025) propose une « Boussole de la compétitivité » visant à économiser 37 milliards €  par an tout en préservant l’objectif de neutralité carbone.

La tension, ainsi créée,  entre  allègement  administratif  et  ambition  écologique  devient  l’enjeu  central  de  la nouvelle politique européenne.

12. La CSRD : levier de résilience et de croissance responsable

Le Haut-commissariat à la stratégie et au plan et sa Plateforme RSE considère le Rapport de Durabilité comme  l’infrastructure clé entre compétitivité et durabilité. Il favorise :

  • la fiabilité et comparabilité des données 

  • la circulation des capitaux vers les entreprises durables 

  • la prévention des risques juridiques et réputationnels 

  • le dialogue avec les parties prenantes.

Lereportingdevientunoutilderésiliencecapabledanticiperlescrisesetderenforcerlatransparencedes

relations économiques.

13. Lacomptabilité intégrée:lhorizondeladurabilité

Prolongement naturel du reporting, la comptabilité intégrée rassemble informations financières et extra‑financières en intégrant tous les capitaux mobilisés : humain, naturel, social, intellectuel.
Ce modèle permet de mesurer la création de valeur globale, d’arbitrer plus pertinemment les

investissements et de répondre aux attentes croissantes des investisseurs responsables.

Elle incarne le passage vers un capitalisme régénératif, alliant rentabilité et soutien des biens communs.

14. Pointsdevigilanceetrecommandations

Le Haut-commissariat à la stratégie et au plan et sa  Plateforme  RSE  formule  quatre  axes  de  recommandation :

  • 1. Mesurer et assurer le suivi : maintenir une norme solide et stratégique, avec indicateurs "droits 

    humains" intégrés aux informations en matière de durabilité

  • 2. Financer la transition : lier reporting et accès au capital, favoriser les critères ESG dans 

    l’investissement public et privé.

  • 3. Former et accompagner : développer les compétences des auditeurs, fédérations et collaborateurs.

  • 4. Fédérer et gouverner : institutionnaliser le dialogue social environnemental et renforcer la 

    participation des salariés et parties prenantes au conseil.

Cesleviersgarantissentunemiseen œuvreharmonieuseetcohérentedu rapport de durabilité dans le temps.

15. vers une économie et une entreprise régénérative

Le reporting de durabilité ne constitue pas une charge, mais une opportunité de refondation économique.
Il oriente les entreprises vers une performance transparente, responsable et long‑termiste ; il renforce leur 

résilience financière et leur crédibilité auprès des marchés ; il structure une nouvelle gouvernance fondée sur la confiance.

La CSRD, la CS3D et la taxonomie demeurent les trois piliers indissociables de la transition européenne : 

ensemble, elles définissent le langage commun de l’économie durable.

En 2025, au moment où l’Europe cherche à réconcilier compétitivité et durabilité, le rapport de durabilité devient la boussole économique de la décennie : 

Celle d’une entreprise :

  • pilotée par la donnée, 

  • responsable de ses impacts et 

  • créatrice de valeur partagée.

à suivre ...

Notre directeur financier pourrait terminer par la phrase la plus importante, à mon avis, des normes ESRS.

Elle se trouve dans l'ESRS 2, dans l'exigence de publication SBM3 Impacts, risques et opportunités importants et leur lien avec la stratégie et le modèle économique, §48 - f :

L'entreprise publie "des informations sur la résilience de la stratégie et du modèle économique de l’entreprise en ce qui concerne sa capacité à faire face aux impacts (environnementaux et sociaux) et aux risques (financiers) importants et à saisir les opportunités importantes".

Il s'agit bien de sortir de l'immédiateté et de projet son business sur des horizons pertinents.

2050 est un horizon commun à toutes les entreprises, avec un objectif précis : la neutralité carbone.


à bientôt dans un prochain post : pour en savoir plus, continuer à se former, échanger les bonnes pratiques et changer nos habitudes.

Transition écologique signifie avant tout Transformation des modes de vie.

Bonne semaine !

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