Parlons de comptabilité

Comptabilité et Rapport Durable sont dans un même bateau (à voile, il va sans dire) : il est essentiel d'établir ce rapprochement.

La comptabilité est un est avant tout un outil de communication et un outil d'aide à la décision.

Elle est malheureusement ramenée, et surtout bizarrement depuis les 20 dernières années, à une sorte obligation contraignante, et en une sorte de fin en soi.

La comptabilité n'est qu'un outil, et en tant que tel, a peu d'intérêt.

Un marteau en soi a peu d'intérêt, (un bâton, une masse ... et puis ?) sauf si vous mettez une intention dessus et que vous avez compris en quoi il pouvait vous servir.

La comptabilité c'est la même chose.

Je déplore ce terme absolument horrible utilisé depuis un peu plus d'une vingtaine d'années, peut-être instauré par les informaticiens, de «production comptable ».

Quelle étrange chose !

Cela n'a aucun sens et surtout dévoie ce pour quoi la comptabilité est faite.

Si les calculs existent depuis que l'homme s'est mis à bouger et à échanger, c'est bien qu'il y a une nécessité d'équilibre et de respect du contrat : la confiance est la base du commerce jusqu'à un certain point.

Mais la comptabilité, qui est un langage, peut permettre de faire dire un peu ce que l'on veut jusqu'à imposer des modes de lecture et d'interprétation (et j'ai utilisé le mot mode et non norme) et ce que démontre avec beaucoup d'ingéniosité Jacques Richard et Alexandre Rambaud dans leur livre « Révolution comptable » sous-titré « pour une entreprise écologique et sociale » Les Editions de l'Atelier - 2020.

Avec le danger de donner à voir un seul aspect des choses, un seul angle de vue

D'autant plus quand l'outil est empreint d'une apparente rigueur qui peut conduire à figer les choses.

Comprendre, réaliser, qu’on ne tient pas compte d'un certain nombre d'éléments qui semblent aller de soi, parce qu'on a "toujours" fait comme ça, c'est une remise en cause de tout un savoir-faire, souvent difficile à admettre, surtout après 20, 30 ou 40 d’une carrière professionnelle bien remplie et menée généralement avec beaucoup d’honnêteté et d’éthique mais sur une base erronée :

Le moment de surprise (et de vexation) passé, s’ouvrir à une autre lecture, élargit les axes de compréhension du monde et des autres.

Jusqu'à présent dans les comptabilités, ne sont pas pris en compte des apports non chiffrés, mais certainement pas sans valeur, qui relèvent généralement du bien commun :

Je me permets ici de proposer un résumé du passionnant livre d'Hervé Gbégo : "La compta durable" (Editions Dunod - 2023), 250 pages pour nous initier à la comptabilité durable et répondre à la question du comment mesurer et présenter une comptabilité écologique.

Tout petit bémol sur ce terme de « comptabilité écologique“ qui devrait, à mon sens, s'appeler comptabilité tout court ou bien nouvelle comptabilité.

De même que je pense que la vocation de la RSE est de disparaître dans un délai le plus court possible, ce qui voudra dire qu'elle est complètement intégrée dans la stratégie et l'organisation de n'importe quelle entreprise, et donc intégré à tous les niveaux de décision,

de même, logiquement, la comptabilité tiendra compte de ces aspects sociaux et environnementaux pour rendre compte de cette stratégie nouvelle et cette organisation et cette nouvelle.

Pour l'instant, acceptons ce terme de comptabilité écologique, en espérant que les détracteurs car il y en a encore, ne viennent pas rejeter ce progrès, cette innovation, en mélangeant MPP (mauvaise politique politicienne) souvent attachée, A TORD, au mot « écologie » et GBS (gros bon sens), (oui, dans ma petite tête, l’écologie, c’est avant tout du bon sens), basé sur l'idée

1. de laisser en l'état ce qu'on m'a prêté (pour me permettre de vivre sur cette planète)

2. de respecter une certaine esthétique autour de moi (tout ce qui pollue, est laid, pue ou émet des sons discordants - vous l'avez remarqué)

3. de respecter une certaine éthique tout autour de moi

Dans son livre, Hervé Gbego expose comment la comptabilité durable et intégrée fusionne informations RSE et informations financières.

Il présente les différentes initiatives et méthodes permettant sa mise en place : un panorama des grands principes de la comptabilité et des problématiques de « durabilité » (bilan carbone, reporting RSE, analyse de cycle de vie (ACV) etc.), et s'arrête plus spécifiquement sur les grands principes de la méthode CARE (Comptabilité Adaptée au Respect de l’Ecologie), en théorie et au moyen d'exemples qui illustrent concrètement la démarche.

Il détaille longuement la question de la monétarisation des enjeux environnementaux et la particularité de la comptabilité du capital "être humain"

Tout un chapitre est consacré à la pratique du reporting RSE volontaire ou légal (DPEF, CSRD). L'auteur note que si les dispositions réglementaires proposent la mise en place de ce reporting RSE, "la comptabilité nécessaire à la présentation de ces reportings n'est pas évoquée." (page 83)

Pourtant la comptabilité est l'outil qui "permet de bâtir le système d'information nécessaire pour alimenter les formats de reporting".

"La comptabilité favorise la traçabilité de l'information et une structuration de la piste d'audit."

Ce sont là ses grandes vertus.

Le commissaire aux comptes en certifiera « la régularité et la sincérité ».

J'ai longuement développé la CSRD et les Normes ESRS dans les articles précédents (25 épisodes sur le sujet avant celui ci). Ces normes nous aident à structurer l'information attendue.

Je rappellerai ici juste que cette information doit respecter des critères de qualité (Voir l'annexe B de l'ESRS 1) :

"L'objectif affiché du modèle CARE est de proposer aux entreprises un système comptable complet qui permette de rendre compte de la performance de l'entreprise sur ces enjeux environnementaux et sociaux aux côtés des enjeux financiers" (page 147)

La comptabilité CARE est longuement présenté par Hervé GBEGO dans son livre "La Compta Durable". Vous pouvez vous raprocher aussi avec profit de l'association CERCES qui porte le projet (https://www.cerces.org/).

CERCES = Cercle des Comptables Environnementaux & Sociaux

"La comptabilité CARE vise la conservation dans le temps de l'ensemble des capitaux d'une organisation" : (page 151)

"CARE s'appuie sur les mécanismes de la comptabilité conventionnelle, qui transposés à la gestion des ressources naturelles et des ressources humaines, permettent de garantir efficacement leur conservation". (page 151)

Care utilise ainsi le modèle comptable actuel puis l'élargit afin de faire apparaitre les données manquantes et significatives, qui sont raisonnées en coût de restauration.

Les valeurs comptables sont présentées en coût historique ou de remplacement (amortissements).

Il ne s'agit pas de proposer des valeurs sur ce qu'il serait susceptible d'advenir mais bien de réparer les dégradations produites, de laisser les choses au minimum en l'état, voir de réparer.

CARE préconise (impose) l'utilisation de méthodes scientifiques car elles permettent de fixer des objectifs adaptés à la situation écologique et non à la volonté des acteurs.

Les coûts de prévention ou de restauration des écosystèmes et des êtres humains seront ainsi déterminés et ensuite intégrés aux comptes annuels.

Environnement et êtres humains seront alots considérés comme des sources de richesse qu'il conviendra de préserver.