News Letter n°2023 - 16 du Samedi 22 Avril
Le Rapport Durable
Episode 04
CSRD = Corporate Sustainability Reporting Directive = Directive sur les rapports de durabilité des entreprises
Je souhaite établir et présenter le Rapport Durable de mon entreprise : comment est-ce que je m’y prends ?
Nous avons vu les semaines précédentes :
1. Mon entreprise est-elle concernée ?
4. Qualité des informations
NB : vous l’aurez compris, si vous êtes déjà un spécialiste de la RSE ou une grande entreprise, cet article n’est pas pour vous. Cet article est destiné aux ME (microentrepreneur effectif de moins de 10 personnes) et aux TPE/PME (effectif de moins de 250 personnes), non concernées (pour l’instant) a priori par la CSRD, sauf si donneurs d’ordres et autres parties prenantes les interrogent sur leurs propres indicateurs. Mais, cela peut servir de source d’inspiration, je l'espère ! Je vous laisse juge.
NB : Ce qui se rapporte aux groupes et filiales sera abordé dans un post spécifique.
L'écoblanchiment
Le Dictionnaire "Le Larousse" définit l'écoblanchiment comme "l'utilisation fallacieuse d’arguments faisant état de bonnes pratiques écologiques dans des opérations de marketing ou de communication".
Le Dictionnaire "Le Robert" explique que l'écoblanchiment est le "fait, pour une entreprise ou un organisme, de se donner une image responsable à l'égard de l'environnement".
Je vous invite à lire sur le site les amis de la Terre, le nom des entreprises qui ont reçues le prix "pinocchio" dans les années 2010 :
https://www.amisdelaterre.org/campagne/prix-pinocchio/
mais revenez ici pour lire la suite de l'article !
L'écoblanchiment se dit en anglais (je devrai dire en franglais) Greenwashing.
Le risque inhérent au rapport durable est la qualité des informations et l'écoblanchiment sous jacent.
Il est précisé, dans la Directive, que le contrôleur va donner son avis sur :
Ces plans devront êtres fondés (et sourcés) sur les données scientifiques les plus récentes.
Logiquement, la Directive insiste sur la compétence des acteurs-décideurs
Comme le dit très bien Valérie Lasserre (1) : "Sans les règles permettant le contrôle des émetteurs, le risque d'écoblanchiment (greenwashing) est important".
(1) - Archives de philosophie du droit / Tome 62 / Le principe de précaution - 2020 - Editions Dalloz
Cet écoblanchiment est affaire (ou à faire), de culture, d'intention, de proportion et de bon sens.
Supprimer les gobelets en plastique au bureau, c'est bien, il faut le faire mais avouer que communiquer là dessus a un intérêt inexistant.
Quand KLM indique sur Twitter "Nous prenons des mesures pour réduire notre impact environnemental sur les vols en Europe en recyclant les canettes et les dosettes de café. Notre marc de café est traité dans un digesteur, générant de l'énergie verte. Et ce n'est pas tout ! À la fin du processus, nous nous retrouvons avec un compost riche en nutriments. Avec ces petites étapes, nous travaillons vers un avenir plus durable pour l'industrie aéronautique."
Alors que sur la photo présentée, les boissons en question sont à l'évidence servies dans des gobelets en carton et en plastique (les deux), que le digesteur est une machine de plus et totalement inutile pour fabriquer le compost en question, que l'affirmation est renforcée : lire le "et de n'est pas tout" laisse une impression de malaise à mis chemin entre le rire et la sidération. Et on peut se poser la question, si ce geste est un petit pas, du nombre de pas (et du temps pour les effectuer) qu'il va falloir à KLM pour réduire la quantité de GES émis (avion, carburant, et le reste).
Petit rappel de ce que nous dit Carbone4 (https://www.carbone4.com/analyse-faq-aviation-climat) au sujet de l'aviation :
"L’aviation commerciale représentait 2,6 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde en 2018, et 5,1 % du réchauffement climatique anthropique entre 2000 et 2018 quand on intègre les effets hors CO2. Rien que la combustion du carburant correspond à environ 1 milliard de tonnes de CO2 sur une année, soit en ordre de grandeur l’équivalent des émissions du Japon (3ème puissance mondiale et 5ème pays le plus émetteur). C’est loin d’être négligeable.
Cela l’est d’autant moins en regardant à l’échelle individuelle : par exemple, un vol aller-retour Paris-New York (1,7 tCO2e en comptant les effets hors CO2) représente 20 % des émissions annuelles d’un·e français·e moyen·ne."
Dans un tel cadre, l'information sur les gobelets en plastique (je caricature bien-sûr) répondra-t-elle aux critères de durabilité ?
L'auditeur devra être suffisamment formé et acculturé pour donner un avis construit : délicat !
Pour donner un exemple plus "sérieux, j'ai lu dans la DPEF d'un constructeur de maisons individuelles, que l'entreprise n'étant pas propriétaire du foncier, elle n'avait pas de compte à rendre sur l'état des sols et de la biodiversité ... étrange déni !
La Directive CSRD modifie la Directive 2006-43 qui régule les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés, en son article 25 "Honoraires d'audit et d'assurance" et prend en compte le Rapport Durable. Rien de bien particulier en dehors du respect d'un esprit "raisonnable".
Des coûts spécifiques sont à prévoir pour ce nouvel instrument qu'est le Rapport Durable :
L'objectif de la mise en place de ce Rapport est, tout de même, une transformation à terme de l'entreprise vers la durablité : économie circulaire, émission de gaz à effet de serre neutre, idéalement négative, prise en compte de la biodiversité, sobriété dans l'usage de l'eau, etc ...
Les coûts de la mise en place de ce Rapport Durable sont ceux de la mise en place d'une Démarche RSE construite. Ce n'est pas, à quelques exceptions près, quelque chose en plus !
Mettre en place une démarche RSE, c'est
- l'étude de la matérialité de l’information
- l'achat de logiciels de data management et de reporting
- l'établissement de procédures de collecte de données
- La formation des équipes
- La formation des équipes de Direction
- D'éventuels recours à des conseils juridiques
- Les conséquences des décisions prises pour transformer l'entreprise (qui sont souvent plus des investissements avec des avantages à terme, on le sait)
Si l'entreprise entend suivre sa feuille de route et réaliser ses objectifs,
- La collecte de données
- L'analyse de l’information
- La publication de l’information
- Préparation du format et design de rapports
sont des élements indispensables au suivi et à la réussite du projet.
Rien de nouveau sous le soleil.
Si la démarche est déjà entamée, pas de coûts remarquables en plus, en dehors d'une vérification de conformité, et des questions de mise en forme.
Les coûts d’audit sont certains puisqu'il y a rapport légal à contrôler.
- Confirmation d’existence (obligatoire) : 5000€
- Assurance limitée
- Assurance raisonnable dans un deuxième temps.
Coûts cachés : Ils existent !
L'entreprise, dans sa structure, peut engendrer des coûts non répertoriés inhérents à la production de tels rapports.
Je ne pense pas que l'on puisse vraiment comparer la NFRD à la CSRD sur ce plan.
La CSRD n'est pas une évolution de la NFRD mais bien une restructuration profonde des informations publiées, tant dans la forme qu'au fond.
La direction RSE et la Direction Financière vont devoir travailler de concert et avec la Direction de l'Entreprise qui ne peut se contenter de "déléguer".
Le Rapport Durable n'est pas une obligation juridique liés aux comptes annuels et donc dévolus aux personnes qui travaillent dans l'aile adminitrative de l'entreprise, loin des fonctions commerciales, marketing ou communication qui, on le sait, "font tourner la boite".
Le Rapport Durable impose de mettre tout le monde autour de la table pour produire des données "sourcées" dans le cadre de stratégies vertes et d'objectifs observables (et publiés).
Il y a alors peut être à prévoir un budget pour "apprendre à travailler ensemble".
Je n'invente rien :
Je fait référence à la dualité que j'ai toujours trouvé absurde entre Responsable comptable et Responsable du contrôle de gestion, incapables de travailler sur la même base de données !
Je fait référence aussi à la Directrice RSE d'une banque, qui, au cours d'une formation, quand il a été fait allusion à la DPEF, nous a rétorqué que ce n'était pas de son ressort, mais de celui du Directeur Financier, sous entendu pas de lien entre RSE et DPEF ... surprenant, non ?.
Pas de dialogue = > coûts élevés
Bénéfices cachés : on ne les ignore pas non plus !
On le sait : la RSE, ce ne sont que des avantages.
Largement évoqués dans d'autres articles, je ne reviens pas sur ce point.
Le Rapport Durable oblige à plus de structuration, à intégrer de vraies stratégies durables sans écoblanchiment.
Intelligemment menés, la construction du Rapport Durable est un formidable outil d'évolution et d'aide à la prise de décisions.
Ne perdons pas de vu que la vocation de la fonction RSE est de disparaitre : à partir du moment où l'entreprise aura opérée sa mue : produit, écoconception, état d'esprit de chacun ...
Et remarque finale sur cette question : quel est le coût de ne rien faire ?
Quand les rails seront distordus ou l'immeuble fissuré sous le coup de la chaleur ?
l'eau rare ou trop polluée,
la forêt incendiée,
L'Europe est la partie du Monde la plus impactée par le changement climatique nous annonce-t-on depuis quelques jours.
Le Rapport de la TPE/PME
L'article 1 de la CSRD modifie la Directive 2013/34/UE (dite NFRD) en introduisant le Rapport Durable, en en détaillant la structure.
Le paragraphe 6 aborde la dérogation accordée aux petites et moyennes entreprises qui peuvent limiter leur information en matière de durabilité aux informations suivantes :
a) une brève (terme peu précis) description du modèle commercial et de la stratégie de l'entreprise;
b) une description des politiques de l'entreprise en ce qui concerne les questions de durabilité;
c) les principales incidences négatives, réelles ou potentielles, de l'entreprise sur les questions de durabilité, et toute mesure prise pour les recenser, surveiller, prévenir, atténuer ou corriger;
d) les principaux risques pour l'entreprise qui sont liés aux questions de durabilité et la manière dont l'entreprise gère ces risques;
e) les indicateurs clés nécessaires pour les informations à publier visées aux points a) à d).
Il est précisé un peu plus loin, dans ce qui est désormais
l'article 29 quater "Normes d'information en matière de durabilité applicables aux petites et moyennes entreprises" que des actes délégués complémentaires viendront (avant le 30 juin 2024) compléter la directive de Novembre 2022 "pour définir des normes d'information en matière de durabilité qui sont proportionnées et adaptées aux capacités et aux caractéristiques des petites et moyennes entreprises ainsi qu'à l'ampleur et à la complexité de leurs activités".
Cela n'empêche pas la préparation, dès à présent, de ce Rapport Durable, cela évitera une folle et inutile course à l'échalote.
Le Rapport Durable est une autre porte d'entrée pour mettre en place une démarche RSE.
Commencez par exemple à établir le Bilan Carbone de votre entreprise.
Un Rapport mais encore
Résilience, Prospective, Engagement des Dirigeants en compétence
Le Rapport Durable est un outil de progrès pour l'Entreprise.
Et les querelles de lobbyistes pour en réduire la portée tiennent du ridicule.
Il ne s'agit pas de monter une usine à gaz (c'est le cas de le dire) et la Directive CSRD est très claire dans son intention là dessus.
Contrairement au Rapport de Gestion qui fait le point sur la situation de l'entreprise, la Rapport Durable se veut dans une dynamique.
Objectifs SMARTER, Preuves de ces évolutions en réponse aux objectifs.
Si on respecte, ne serait-ce que la loi, on ne racontera plus l'entreprise en 2030 comme au XXè siècle.
Il est temps de grandir...
Tout ce printemps, examinons de près les attendus de la CSRD et les Normes EFRAG
à bientôt dans un prochain post : pour en savoir plus, continuer à se former, échanger les bonnes pratiques et changer nos habitudes.
Transition écologique signifie avant tout Transformation des modes de vie.
Bonne semaine !
Et vous ? que pouvez-vous faire dans votre entreprise ?
N’hésitez pas à vous abonner et à liker bien sûr.
En parler ? https://www.rsepourtous.fr/rendez-vous
A la semaine prochaine
Environnementalement Vôtre
Véronique
RSE POUR TOUS
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