News Letter n°2024 - 08 du samedi 24 février

Préparer mon Rapport Durable :

Crédits carbone, Tarification interne du carbone

et Taxe Carbone

La norme ESRS E1 - Changement climatique demande que l'entreprise présente ses projets d'absorption et d'atténuation de gaz à effet de serre financés au moyen de crédits (EP/DR E1-7) ainsi que les mécanismes de tarification du carbone qu'elle utilise, si c'est le cas (EP/DR E1-7).

Que sont ou que signifient "quotas carbone", "crédit carbone", "tarification interne du carbone" et "taxe carbone" ?

Entre abus de langage et complexité technique, essayons d'y voir plus clair.

NB : vous l’aurez compris, si vous êtes déjà un spécialiste de la RSE ou une grande entreprise, cet article n’est pas pour vous. Cet article est destiné aux ME (microentrepreneur effectif de moins de 10 personnes) et aux TPE/PME (effectif de moins de 250 personnes), non concernées (pour l’instant) a priori par la CSRD, sauf si donneurs d’ordres et autres parties prenantes les interrogent sur leurs propres indicateurs. Mais, cela peut servir de source d’inspiration, je l'espère ! Je vous laisse juge.


Voyons :

  • Kyoto
  • Le protocole de Kyoto
  • les quotas carbone et le droit à polluer
  • le fonctionnement du marché du carbone
  • les crédits carbone
  • la tarification du carbone
  • les taxes carbone
  • ERSR E1-7 et Crédits Carbone
  • ERSR E1-8 et Crédits Carbone
  • Le prix du carbone européen est au plus haut

Kyoto

Le protocole de Kyoto

Le protocole de Kyoto est un accord international, signé le 11 décembre 1997 et entré en vigueur en 2005, qui a jeté les bases d’un engagement international à réduire les émissions de GES.

Il vise, dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies (CCNUC) sur les changements climatiques, à améliorer l’environnement mondial en adoptant une stratégie de décarbonation complète.

En 2012, la COP18 de Doha a permis de prolonger le protocole .

Depuis 2015, l’accord de Paris se présente comme le nouveau cadre mondial d’actions contre les changements climatiques.

Pour atteindre ces objectifs, le protocole de Kyoto a proposé une série de moyens et mis en place 3 mécanismes flexibles :

  • un marché de permis d’émission (les quotas)
  • un mécanisme de développement propre (MDP), à destination des pays en développement, permettant des crédits d’émission sur la base de projets d’investissement.
  • un mécanisme de mise en œuvre conjointe (MOC) (échange entre quotas d'émission et crédit d'émission).

Ces mesures sont conçues pour venir compléter des dispositifs nationaux pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre.


Les Quotas Carbone ou le droit à polluer

Le marché du carbone mis en place par l'Union européenne (UE) a pour objectif de mesurer, contrôler et réduire les émissions de ses industries et de ses producteurs d'électricité.

Depuis 2005, ce marché concerne plus de 11 000 installations industrielles européennes qui totalisent à elles seules environ 50% des émissions européennes de dioxyde de carbone :

  • production d’électricité,
  • sidérurgie
  • raffineries de pétrole
  • cimentiers
  • chimie
  • chauffage urbain
  • aviation avec les compagnies aériennes pour les vols commerciaux intra-européens.

Il est prévu une extension de ce marché aux secteurs suivants :

  • activités maritimes
  • transport routier
  • chauffage des bâtiments


Fonctionnement du marché du Carbone

Chaque année, les États européens déterminent le nombre de quotas auxquels ont droit les entreprises concernées.

Un quota représente le droit d’émettre une tonne de CO2.

Cette allocation est établie en fonction du secteur d’activité de l’entreprise et de la quantité de GES émise par les acteurs les plus verts de ce secteur.

2 cas possibles alors :

  • les émissions de gaz à effet de serre de l’entreprise sont inférieures au quota alloué : l’entreprise peut revendre ses quotas sur le marché du carbone ou décider de les garder pour plus tard, on parle alors de mise en épargne de quotas
  • les émissions de gaz à effet de serre de l’entreprise sont supérieures au quota alloué : l’entreprise achète, à ce moment-là, des quotas supplémentaires sur le marché du carbone, les entreprises pouvant également avoir recours à l’emprunt de quotas.


La question des quotas et des crédit carbone est organisé en 2 marchés :

  • le marché des crédit carbone

Ce "marché" correspond aux respect des quotas décrits ci-dessus.

  • le marché des crédit carbone volontaire

Une entreprise qui n’est pas soumise au marché obligatoire mais qui souhaite s’engager volontairement dans une stratégie climat pourra acheter des crédits carbone pour compenser des propres émissions.


Ce système des quotas souffre de nombreux défauts, notamment celui de perdre son objectif initial, qu'il sera sûrement intéressant de détailler mais dans un autre article.


A noter que les ministres européens de l'environnement, réunis le 28 juin 2022, ont adopté la baisse de 100% des émissions de CO2 en 2035. Le texte confirme les ambitions de la Commission européenne de réduire de 55% les émissions de CO2 des voitures particulières et des camionnettes en 2030 et de 100% en 2035.


Le Crédit Carbone

Un crédit-carbone est un certificat attestant l'évitement, la réduction ou l'élimination d'une tonne de dioxyde de (CO2), ou son équivalent d'autres gaz à effet de serre.

Tout porteur de projet de réduction ou de séquestration d’émissions de gaz à effet de serre, peut recevoir des « crédits carbone » (qu'il pourra céder) à condition de respecter certaines conditions.


Deux types de projets peuvent donner lieu à l’attribution ou la vente de crédits carbone :


les projets d’évitement et de réduction d’émissions

  • projets de transition vers les énergies renouvelables
  • promotion d'une agriculture bas-carbone,
  • promotion de l'économie circulaire
  • recyclage des déchets
  • développement d’énergies renouvelables par exemple

L'objectif principal de ces projets est de minimiser la quantité de carbone libérée dans l'atmosphère, contribuant ainsi à la réduction des émissions nettes.


les projets de séquestration de GES

  • projets de préservation et d'expansion des puits de carbone naturels, tels que la protection des océans, le reboisement des forêts, la régénération des sols agricoles ...
  • projets de séquestration carbone technologiques.


Quatre conditions doivent être réunies pour allouer des crédits carbone à un projet climatique :

  • le projet doit être mesurable :
  • le projet dispose d’un protocole fiable et reconnu par la communauté internationale.
  • le projet doit être additionnel :
  • Si le projet est apporteur de changement et que ce projet a pu être réalisé grâce au soutien financier apporté grâce aux crédits cabone (revendus), alors le projet est "additionnel". Pour un projet agroforestier par exemple, son gestionnaire doit montrer que, sans le financement lié à la vente de crédits carbone, ses plantations seraient partiellement ou totalement rasées.
  • le projet doit être vérifiable :
  • l’évitement ou la séquestration des tonnes de CO2e vendues doit être vérifiable et comptabilisée tous les ans. Il faut s’assurer notamment de l’unicité des crédits carbone associés.
  • le projet doit être durable (s'inscrire dans la durée) :
  • l’évitement ou la séquestration de carbone doit s’inscrire dans la durée (au minimum 5 à 7 années).


  • Les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre doivent toujours intervenir avant la compensation de l'empreinte carbone.

Plus l'entreprise réduira ses émissions, moins elle aura à acquérir de crédits carbone sur le marché.


Cependant, malgré les efforts de réduction, il restera toujours des émissions qui ne peuvent pas être évitées ou réduites de manière significative, c’est ce qu’on appelle les émissions résiduelles de gaz à effet de serre. Pour réduire encore ces émissions résiduelles, les entreprises soutiendront des projets de compensation ou contribution carbone permettant de réduire des émissions ailleurs. Elles achètent et utilisent, donc, ces crédits carbone, représentant des réductions d’émissions équivalentes, pour limiter l’impact de leurs activités.


La Tarification interne du carbone

Le prix interne du carbone est une valeur que l'entreprise se fixe volontairement pour internaliser le coût économique de ses émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit à la fois d'un ou-til de soutien à la stratégie de décarbonation de l'entreprise et d'un instrument de gestion des risques.


Ce prix permet de rendre plus palbable, plus signifiant les masses sur lesquels les utilisateurs travaillent en leur permettant de raisonner avec une valeur monétaire plutôt qu'avec une valeur physique.


Cette tarification interne est à la fois :

  • un outil de soutien à la stratégie de décarbonation de l’entreprise
  • d’un instrument de gestion du risque, qui tend à rendre la stratégie globale de l’entreprise plus résiliente aux politiques climatiques règlementaires et plus favorable aux réductions.

et permet de :

  • participer à l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de GES de l’entreprise et de traduire le changement climatique en termes financiers au sein de sa propre entreprise et :
  • d'orienter les décisions d’investissement, le calcul du taux de rentabilité interne (TRI) intégrant ce coût du carbone,
  • d'orienter les décisions de recherche et développement,
  • de valoriser auprès des clients les bénéfices d’une solution bas -carbone (ou moins « carbonée » qu’une autre),
  • de constituer un fonds carbone, directement lié à la quantité d’émissions de GES émise.
  • répondre à ou anticiper la demande des actionnaires et investisseurs, mais aussi des consommateurs et de la société civile (associations, ONG, etc.),
  • se positionner dans le débat public sur le prix du carbone et son évolution (lobbying auprès de la puissance publique)
  • sensibiliser et mobiliser ses équipes en interne,
  • promouvoir des solutions bas-carbone auprès de ses clients en externe

(source : Carbone 4)


Les tarifs internes du carbone varient selon les secteurs d'activité (et les secteurs géographiques).

Il sont croissants dans le temps et leur montant s'échelonnent dans une fourchette large de 5 € et 100 €.

Ils sont fixés par la direction générale en concertation avec les directions opérationnelles, financières, de développement durable et de recherche et développement, cette dernière travaillant sur une échelle de temps à plus long terme.


La Taxe Carbone

La Taxe Carbone est un impôt environnemental direct, proportionnel aux quantités de dioxyde de carbone (CO2) émises lors de la production et/ou de l’usage d’une ressource, d’un bien ou d’un service.

C’est une application directe du principe « pollueur-payeur ».

Un des principaux exemples de taxe carbone est la taxe carbone sur les carburants et combustibles fossiles (ou composante carbone) appliquée en France depuis 2014.


Sources :

https://www.vie-publique.fr/questions-reponses/282323-co2-le-marche-du-carbone-dans-lunion-europeenne

https://globalclimateinitiatives.com/bilan-carbone/definition-et-bonne-utilisation-du-credit-carbone/

https://www.lombardodier.com/fr/contents/corporate-news/ft-rethink/2023/february/carbon-markets-the-emerging-asse.html

I4CE-Institute for Climate Economics - Caisse des dépôts et Agence française de développement

Carbone4 - Note d'information - Prix interne du carbone - Accompagnement stratégique

Les exigences de publication de l'ERSR E1-7

L'exigence de publication ESRS E1-7 - Projets d’absorption et d’atténuation des GES financés au moyen de crédits carbone demande à ce que l'entreprise publie les informations concernant :

  • (a) les absorptions et le stockage de GES exprimés en tonnes métriques équivalent CO2 résultant de projets qu’elle a pu réaliser dans le cadre de ses opérations propres, ou auxquels elle a pu contribuer dans sa chaîne de valeur en amont et en aval; les hypothèses de calcul, les méthodes et les cadres appliqués par l’entreprise doivent être présentés.

Les projets propres à l'entreprise qui respectent les qualités d'octroi de crédit carbone sont donc prises en compte.

  • (b) le montant des réductions ou absorptions des émissions de GES résultant de projets d’atténuation du changement climatique en dehors de sa chaîne de valeur qu’elle a financés ou qu’elle envisage de financer par l’achat de crédits carbone; c'est à dire les réductions déjà réalisées depuis la période de référence et les réductions prévues à l'avenir.


SI l’entreprise publie un objectif «zéro net», elle doit décrire :

  • le champ d’application, les méthodes et les cadres adoptés
  • ainsi que la manière dont les émissions résiduelles de GES sont censées être neutralisées
  • (après environ 90 à 95 % de réduction des émissions de GES avec la possibilité d’avoir des variations sectorielles justifiées correspondant à une trajectoire de décarbonation sectorielle reconnue)

Les exigences de publication de l'ERSR E1-8

"L'exigence de publication ESRS E1-8 - Tarification interne du carbone" demande à ce que l’entreprise indique si elle applique des mécanismes de tarification interne du carbone et, dans l’affirmative, comment ceux-ci soutiennent sa prise de décision et encouragent la mise en oeuvre de politiques et de cibles liées au changement climatique.

  • L'entreprise, en plus d'expliquer les mécanismes mis en place et choix effectués, doit présenter pour l'année en cours les volumes d'émissions brutes de GES des périmètres 1, 2 et 3 couverts et leur proportion dans le total de ses émissions.

Le prix du carbone européen est au plus haut

Depuis mi-février 2023, la tonne de CO2 se négocie à plus de 100 euros dans l’Union européenne (UE), pour la première fois depuis la création du "système communautaire d’échange de quotas d’émission" (SCEQE) en 2005.

Les aléas économiques et géopolitiques n'expliquent pas complètement cette pression sur la demande de quotas.

La réforme du SCEQE est plus contraignante (elle vise une baisse de 62% des plafonds d’émission en 2030 par rapport à 2005) avec :

  • La mise en route en 2019 d’une réserve de stabilité, permettant de « stocker » les quotas en surplus plutôt que de les réallouer au marché, qui a donné l’impulsion à cette hausse.
  • Le signal « prix » qui s’est encore renforcé en 2021 (nouvelle phase de la réforme (« phase IV ») du système d’échange.
  • Les quotas gratuits d’émission qui seront supprimés par étape pour les remplacer à horizon 2034 par un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

Prix de la tonne de CO2 dans l’Union européenne (UE).

https://economic-research.bnpparibas.com/html/fr-FR/prix-carbone-europeen-haut-01/03/2023,48320

à suivre ...

L'entreprise va donc

  • les quotas et crédits carbone sont donc un système théoriquement incitatif et qui devrait conduire à une clarification des outils et paramètres de décision mais les limites de ce systèmes sont importantes :
  • les systèmes de quotas et crédits carbone ne peuvent pas résoudre la question de la surconsommation d'énergie et de ressources.
  • les projets de compensation peuvent parfois être mal conçus ou inefficaces (voir l'exemple du projet REDD+ de l'ONU censé éviter la déforestation. Lire : https://www.carbone4.com/analyse-credits-carbone-evitement-deforestation)
  • les crédits carbone sont un outil clé de la lutte contre le changement climatique, mais ils ne doivent pas être une excuse pour ignorer la réduction directe des émissions.


Le rapport durable, si il joue bien son rôle prospectif de guide et d'aide à décision pourrait recentrer l'outil "quotas et crédit carbone" sur son véritable objectif. Espérons-le !


à bientôt dans un prochain post : pour en savoir plus, continuer à se former, échanger les bonnes pratiques et changer nos habitudes.


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Bonne semaine !


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