La News Letter du Samedi 22 Mai 2022

Les Limites planétaires

En 2009, Johan Rockstromet et son équipe internationale de chercheurs impose le concept des limites planétaires.

IL s'agit de définir un espace de développement sûr et juste pour l'humanité à travers 9 processus naturels qui, ensemble, déterminent l'équilibre des écosystèmes de la planète :

1. le changement climatique

2. l'érosion de la biodiversité

3. la perturbation des cycles biogéochimiques de l'azote et du phosphore

4. les changements de l'utilisation des sols

5. l'acidification des océans

6. l'utilisation mondiale de l'eau

7. l'augmentation des aérosols dans l’atmosphère

8. l'appauvrissement de l'ozone stratosphérique

9. l'introduction d'entités nouvelles dans la biosphère

Le concept offre une vision globale et transversale des risques planétaires car il permet de suivre les interactions entre ces différents domaines.

Ce concept des limites planétaires a été adopté au niveau européen par l'agence européenne pour l'environnement et par la Commission européenne.

Il est aussi adopté au niveau international par les nations unies.

En ce printemps 2022, une 6e limite planétaire, celle de l'eau douce, vient d'être dépassée

Voici les 6 limites dépassées :

1. le changement climatique

2. l'érosion de la biodiversité

3. la perturbation des cycles biogéochimiques de l'azote et du phosphore

4. les changements de l'utilisation des sols

6. l'utilisation mondiale de l'eau

9. l'introduction d'entités nouvelles dans la biosphère

La 8e limite : l'augmentation des aérosols dans l’atmosphère est en réalité non quantifiée.

Les limites planétaires sont les seuils que l'humanité ne devrait pas dépasser pour ne pas compromettre les conditions dans lesquelles la Terre a pu se développer. Ensemble, ces limites remettent en cause la stabilité de la biosphère.

Rappelons que la biosphère est l'ensemble des organismes vivants et leur milieu de vie, c'est à dire la totalité des écosystèmes existants dans la lithosphère (terre), l’hydrosphère (eau) et l’atmosphère (air)).

Prenons une à une ces 9 limites planétaires :

Sources : Stockholm Residence Center et traduit par Bon Pote

1 - Le changement climatique


Pour la limite «changement climatique », a été retenue comme mesure des dérèglements climatiques, la concentration de CO2 dans l’atmosphère ou le niveau de forçage radiatif.

> La limite à ne pas à ne pas franchir si la mesure est faite à partir de la quantité de CO2 dans l’atmosphère est de 350 ppm (partie par million).

(Nous avons déjà longuement parlé dans d'autres postes de l'effet de serre qui à la base est un phénomène naturel : https://www.rsepourtous.fr/617ffbe2)

> La limite à ne pas à ne pas franchir si la mesure est faite à partir de la quantité de forçage radiatif est de 1 W par m².

Le forçage radiatif (terme utilisé en climatologie) est la différence entre la puissance radiative (c'est à dire d’émissions, de radiation) reçue et la puissance radiative émise par un système climatique donné, par exemple, celui de la Terre. À température constante, la Terre émet autant d'énergie qu'elle en reçoit.

OR avec l’effet de serre, (voir le post n°002 «L’effet de serre »), cet équilibre est perturbé. Le surplus de chaleur (infrarouges) émis n’est plus renvoyé vers l’espace.

2 - L'intégrité de la biosphère

L'intégrité de la biosphère est mesurée selon 2 axes: * la biodiversité génétique et la biodiversité fonctionnelle.

Pour la limite «Biodiversité génétique», la limite fixée est à

- un taux d'extinction de 10 espèces sur 1 million par an ; alors que

- un taux normal est d'environ une espèce sur 1 million par an. Or,

- le taux actuel serait de 100 à 1000 espèces sur 1 million par an.

Les fonctions qui ne sont plus remplies par les espèces disparues ont un impact majeur sur les écosystèmes.

Prenons l’exemple les vautours en Inde, équarrisseurs naturels majeurs, décimés par les produits chimiques donnés par l'homme aux animaux dont ils se sont nourris. Cette fonction d’équarissage ne peut plus être remplie et pose d'importants problèmes sanitaires.

La « biodiversité fonctionnelle » n'est pas quantifiée.

La biodiversité fonctionnelle est l’organisation générale de l'écosystème qui s'équilibre grâce aux interactions entre les éléments de la biodiversité. Par exemple, les sols restent vivants si les microorganismes, les vers de terre et autres petits animaux peuvent continuer à y vivre et contribuer à l'enrichir. C’est une notion très importante en agriculture.


3 - La perturbation des cycles biochimiques de l'azote et du phosphore

La modification des cycles de l'azote et du phosphore contenus dans les sols résultent notamment de l'agriculture et de l'élevage intensif. L'usage des engrais et les déjections issues de l'élevage contribuent à perturber ces cycles indispensables au bon état des sols et des eaux.

Cycle du phosphore :

Au niveau mondial, sont mesurées les entrées du phosphore dans les océans en téragrammes par an (1 téragramme = 1000 tonnes). La limite maximale fixée est de 11 téragrammes par an.

Au niveau régional, sont mesurées les entrées du phosphore dans les systèmes aquatiques à eau douce. La limite maximale fixée est de 6,2 téragrammes par an.

Le phosphore joue un rôle dans la formation et le développement des racines ainsi que la formation des fleurs et la mise à fruit. Le phosphore n'est pas lessivable. Il doit être absorbé par les plantes.

Le cycle naturel du phosphore est déstabilisé par les activités humaines principalement en raison d'apports supplémentaires. Le principal problème causé par les perturbations du cycle du phosphore par l'homme via les engrais phosphatés notamment est l'eutrophisation et la dystrophisation.

L'eutrophisation est l'apport excessif d'éléments nutritifs dans les eaux entraînant une prolifération végétale, un appauvrissement en oxygène et un déséquilibre de l'écosystème.

La dystrophisation est l'enrichissement excessif des eaux d'un lac ou d'un étang en matière nutritive d'origine industrielle, ayant des effets comparables à ceux de l'eutrophisation.

La dystrophisation est l'état extrême qui se traduit par la mort des organismes animaux et végétaux supérieurs pour cause d’anoxie du milieu (L’anoxie est la diminution de la quantité d'oxygène que le sang distribue aux tissus).

Cycle de l’azote :

La limite retenue pour l'azote se fait par rapport à la fixation biologique industrielle et intentionnelle de l'azote en téragrammes par an. La limite maximum fixée est de 62 téragrammes par an

L'azote qui est le composant majoritaire de l’atmosphère (78%), un élément nutritif essentiel à la croissance des cultures. Il entre dans la composition des protéines et dans celle des acides nucléiques (dont l'ADN). En tant que composant de la chlorophylle, il joue un rôle vital dans la photosynthèse. Les plantes s'alimentent majoritairement à partir de l'azote du sol. C'est principalement sous forme de nitrate que l'azote est assimilé par les plantes.

En excès, les nitrates figurent parmi les polluants les plus problématiques des eaux souterraines.

On retrouve les mêmes phénomènes d'eutrophisation que pour le phosphore.

Les limites fixées sont franchies depuis 2009.

Sources : Aurélien Boutaud et Natacha Gondran, Les Limites planétaires, La Découverte, coll. « Repères », mai 2020

4 - Les changements de l'utilisation des sols

Les changements d'usage des sols se mesurent par rapport à la part des forêts originelles (avant défrichement par l'humanité). Cette mesure est fixée à 75% avant défrichement des sols.

5 - L'introduction de nouvelles matières dans l'environnement

L'introduction d'entités nouvelles dans l'environnement mesure la concentration de substances toxiques, de plastique, de perturbateurs endocriniens, de éléments-traces métalliques et de contamination radioactive.

Selon une étude publiée le 18 janvier 2022 la limite planétaire en matière de pollution chimique et plastique est franchie.

Je vous invite à lire l'excellent article du magazine Reporterre «Pollution chimique : la planète a franchi la ligne rouge » publié le 22 janvier 2022, dont je vous indique ici les coordonnées.


6 - L'utilisation de l'eau douce

L'utilisation de l'eau douce est suivie selon 2 axes : les eaux bleues les eaux vertes.

Les eaux bleues sont les eaux de surface et de nappes phréatiques, l'eau des usages domestiques et agricoles. Leur consommation est suivie en kilomètres cubes par an.

Les eaux vertes sont les eaux de pluie stockées dans le sol.

Pour rappel, les eaux grises sont les eaux polluées par les processus de production.

La limite pour l'utilisation de l'eau douce est un maximum fixé à 4000 km cube par an

Restent 3 limites qui n'auraient pas dépassé les seuils fixés

  • l'acidification des océans
  • l'augmentation des aérosols dans l’atmosphère
  • l'appauvrissement de l'ozone stratosphérique

L’acidification des océans

La limite d'acidification des océans est mesurée par rapport à la saturation moyenne globale en aragonite dans les eaux de surface.

L’aragonite est un Carbonate de calcium. C’est une pierre appréciée en lithothérapie pour ses vertus

L’aragonite joue un rôle majeur dans le cycle biogéochimique du carbone et dans les puits de carbone océanique. L’aragonite devient soluble dans l'océan au-delà d'une certaine acidité de l'eau. C'est pourquoi elle est considérée comme un des traceurs de l'acidification des océans induite par les émissions de CO2.

Plus l'eau est acide, plus il y aura de compétition entre la construction biochimique du calcaire et sa dissolution chimique dans l'eau de mer ambiante. Dans une eau acide, des coquilles déjà formées peuvent se déliter en tuant les animaux qu'elles protégeaient.

Elle se mesure en une unité appelée « oméga ».

La limite ne doit pas descendre en dessous d'un seuil fixé à 2,5, c’est à dire 80% du niveau préindustriel.

La limite n'est pas dépassée à ce jour mais on s'en approche fortement.

L’augmentation des aérosols dans l’atmosphère

La limite pour la charge en aérosols atmosphériques n'est pas quantifiée.

L’appauvrissement de l'ozone stratosphérique

La mesure de la diminution de l'ozone stratosphérique se fait en mesurant la concentration de l'ozone par un système appelé Unité Dobson.

Une Unité Dobson correspond à une couche d'ozone qui aurait une épaisseur de 10 micromètres dans des conditions normales de température et de pression.

Je rappelle que la couche d'ozone protège la vie sur terre car elle agit comme un filtre qui protège toutes les formes de vie contre une surexposition aux rayons ultra-violets nocifs du soleil.

L'équilibre naturel entre la production et la destruction d'ozone est perturbé par la libération excessive dans l’atmosphère de produits de synthèse provenant des activités humaines tels que les chlorofluorocarbures etc… C'est le point que nous avons vu précédemment

La limite est fixée à 275 Unités Dobson.

La limite n'est pas dépassée à ce jour.

L'intérêts des limites planétaires

Le schéma des limites planétaires présente lui-même quelques limites, notamment un certain son manque de clarté, lié à la difficulté de décider du système de mesure et de la difficulté à récupérer les mesures elles-mêmes.

Mais il a le mérite d'exister, de montrer les interactions évidentes entre les limites elles-mêmes, de démontrer l'urgence à agir et la dangerosité du système dans lequel nous vivons.

Il est à noter que les produits chimiques sont les premiers en cause dans toute cette évolution :

phosphore, azote, entités nouvelles dans la biosphère, impact de cette chimie sur la biodiversité, pollution de l'eau ...

Ce concept des limites planétaires a été élargi en ajoutant à ses limites naturelles des limites correspondants aux besoins humains essentiels pour le bien-vivre. Elles sont au nombre de 11.

Voici la liste :

  • l'éducation
  • la représentation politique
  • les réseaux
  • l'équité sociale
  • la santé
  • le logement
  • le revenu et le travail
  • l'alimentation
  • l’énergie
  • l'égalité des sexes
  • l'eau
  • la paix et la justice

Sources :

Le jour du dépassement

En parlant de ces limites planétaires, on ne peut que penser au jour du dépassement.

Il est intervenu en France en 2022 le 5 mai.

Cela signifie que si aujourd'hui toute l'humanité vivait comme les Français, il faudrait 2,9 Terres pour subvenir à ses besoins.

Du premier janvier au 5 mai, la population française par personne a consommé autant de ressources naturelles que la planète n'en renouvelle en une année.

En 2022, la France consomme, en 4 mois et 5 jours tout ce que la nature est capable de régénérer en une année.

Changer la donne est possible, faire reculer la limite est possible.

Et cela permettra de sauver des vies humaines (pollution de l'air et particules fines) et de créer des emplois grâce aux investissements effectués dans la transition écologique.

  • Travailler la production d'énergie, la mobilité (transport des personnes et transports des marchandises)
  • Travailler la rénovation des bâtiments
  • Freiner de façon drastique l'artificialisation des sols
  • Limiter le gaspillage alimentaire
  • Minimiser la consommation de protéines d'origine animale
  • Optimiser la gestion des forêts
  • Encadrer les pratiques de pêche et la consommation des poissons surexploités ( saumon, thon, cabillaud, lieu noir, espadon, dorade, bar d'élevage). Rabattons-nous sur les maquereaux et les sardines tout aussi riches en oméga 3.
  • Eradiquons le plastique et ne jetons plus n'importe où ce qui reste.

En synthèse

Il est temps de changer nos modes de vie et nos habitudes, pas si vieiIles que ça. C'est URGENT


à bientôt dans un prochain post pour en savoir plus, continuer à se former, échanger les bonnes pratiques et les changements d'habitude.

Bonne semaine !

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A la semaine prochaine

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